mercredi 28 octobre : les canines du loup...

La tombe de notre estimé précepteur, tombé sous les coups du fanatique, s’était refermé. Pleurs, protestations de sympathie et condamnation de l’assassin furent unanimes, mais, douleur passée la parole revint.

 

Chez nous, le débat se fit entre quelques intransigeants partisans d’un royaume réservé aux gaulois et d’autres, attachés à une cohabitation fraternelle avec les mahométans, dussions-nous en admettre les curieuses coutumes. Du côté de ces derniers, quelques religieux continuaient à proclamer leur attachement à une religion moderne, pure et débarrassée des maximes d’un autre âge. Mais, à présent, beaucoup se dirent attachés aux interdits anciens de leur église : point de plaisanteries ou caricatures du prophète et, bien sûr, on n’enseigne pas qu’une telle chose puisse légalement se faire.

 

La condamnation du crime perdait en puissance et l’on voyait revenir doucement le souhait de condamner blasphèmes, comme celui d’affirmer la valeur de contraintes religieuses, même contraires à une stricte égalité ou liberté de choisir et d’agir.

 

Il en était de même dans les autres royaumes attachés à cette religion où l’on souhaitait, haut et fort, faire des préceptes de leur église des lois universelles. Entre états, la chose était difficile à proclamer : on fit monter en ligne les assemblées et conseils de sages religieux que l’on avait établis.

 

 Le turc, lui continuait à vitupérer et fustiger notre Roi, occupé qu’il était à faire oublier la piètre richesse de son royaume et cherchant, en prenant la tête de ce mouvement, à se donner une stature en terre d’orient.

 

Faire du blasphème religieux un délit punissable et des convictions religieuses une limite à la liberté de penser et d’agir étaient choses qui réveillaient les intégristes de tout poils et pas les seuls mahométans : les indouistes et leurs milliers de dieux ou déesses suivaient, comme quelques chrétiens d’un autre siècle et rejetant Rome, ou même, plus amusant, ces évangélistes d’outre atlantique qui refusaient que l’on enseigne l’évolution de l’homme, voulaient imposer à la géologie de reconnaître et dater le déluge comme dans les écritures, et, pourquoi pas, mettre un doute sur la rotondité de la terre.

 

 

 

La bonne logique, le refus de prendre pour argent comptant calembredaines, contes ou métaphores, l’esprit des agnostiques ou athées avaient bien du mal à se faire entendre dans un monde où l’on voulait que chacun reconnaisse comme lois celles de sa propre église.

 

Et l’on se demandait comment on avait pu, en seulement quelques décades, passer d’une société s’inspirant des philosophes du siècle des Lumières à un monde de croyances tel que celui du premier millénaire.

 

 

 

L’affaire fut vite close dans les gazettes. Le Grand Mal était de retour, en nombre. Il paraissait certes moins mortel qu’au printemps, mais le nombre des atteints, la faiblesse de nos hôpitaux faisait à nouveau craindre le pire, et, par un triste bilan, mettre à jour l'incapacité et l'incurie du Grand Conseil.

 

On se disposait à enfermer derechef le peuple et le Roi en ferait l’adresse le soir même. La journée s’annonçait morose.