Jeudi 05  Novembre : les pitres (selon ....)

Les malades se pressaient à nouveau devant des lits d’hôpitaux que l’on n’avait plus. Si moins de gens trépassaient du grand mal, la situation devenait difficile pour les carabins et plus encore pour le Grand Conseil dont la tragique inconséquence se montrait à nouveau au grand jour.

 

On rejoua la pièce tant de fois donnée et le Roi convoqua son Conseil de guerre. Il restait peu de choses à dire ou faire. Pour les ateliers, les écoles et les coches portant travailleurs, enfants et maîtres, on ne pouvait tout arrêter : on continuerait donc à s’y infecter mutuellement.

 

Restaient loisirs, rencontres de la vie courante et joyeusetés, fort peu fréquents en ces temps de froidure et de peureuse mélancolie. A défaut, c’est de ce côté que l’on pourrait encore contraindre. Pour le faire sans retenue, on avait besoin de tenir le pays encore longtemps, sans avoir constamment les députés du Tiers ou les Pairs derrière soi.

 

On avait demandé permission au Parlement qui, faute pour le Conseil d’avoir tenu à leur place les élus qui lui étaient acquis, en avait fortement réduit l’étendue. La chose avait mis en rage le Médecin du Roi qui s’était, devant l’assemblée, tenu de manière fort inconvenante.

 

C’est dans ces conditions que le Conseil spécial se réunit : il n’y fut donc question que de réparer l’affront subi au Parlement et, pour tout potage, d’édicter à nouveau d’inutiles mesures, fortement contraignantes, comme au temps des guerres : interdiction de boire ou vaquer dès la nuit tombée.

 

La résignation du peuple faisait peine à voir. Neurasthénique et craintif, il acceptait les choses, et même continuait à faire confiance au Roi. Il rédigeait, à journée faite, les documents que les prévôts et gens d’armes vérifiaient avec rigueur. Le royaume était le seul à exiger semblables laissez passer, par soi-même attribué.  Ailleurs, la parole suffisait, nulle distance ou nulle limite sauf l’impérieuse nécessité, par tous comprise, de se tenir à l’écart des infections.

 

Tant d’interdictions et de règles, utiles ou non, si soigneusement décrites et édictées n’étaient en fait que pitreries, incongrues dans une nation qui se targuait de deux siècles de vénération pour les philosophes des Lumières.

 

 

 

Outre océan, un autre pitre vociférait : L’ancien Roi-président se voyait désormais devancé par son concurrent et directement menacé d’être déchu dans les prochains mois. Il tempêtait, contestait à grand renfort de gens de lois et excitait ses partisans, nombreux, portant les armes et pour tout dire inquiétants.

 

 

 

Les pitres, comme les ignares, lorsqu’ils sont contrariés dans leurs stupides entreprises deviennent gens dangereux. Cette crainte s’ajoutait aux autres.