Mercredi 7 octobre : du théâtre à guignol

Quant au grand Conseil, après les affres du printemps, le Roi avait cru bon de renouveler ses ministres. Il avait toutefois maintenu son argentier et son médecin faute d’en trouver de moins sinistres ou de plus capable de changer le cours des choses.

 

Il s’était séparé à regret de son premier, l’austère à l’étrange barbe, pour nommer un homme de cabinet, honnête scribe, espérant que sa rondeur et un curieux accent provincial rassureraient le bon peuple. Hélas, en ces temps troublés, c’était précisément l’assurance et la raideur qui faisait croire en la capacité des maîtres. L’effet était manqué et le Roi, marri, se rapprocha en privé de son ancien et lui fit fête et honneur. On se demanda quelle pièce il jouait là.

 

Pour les autres, on crut que le choix était l’œuvre d’un théâtreux… Pour eux, précisément, comme pour les auteurs et intellectuels, on prit l’ancien médecin royal, auguste femme, très et même trop prodigue en potions, qui, office fait, s’était tourné vers les divertissements populaires et même la comédie. Aux lucarnes, elle amusait le peuple, à tel point que l’on pouvait dire qu’elle avait ouvert à son sexe l’usage et la pratique du comique troupier.

 

Pour la protection des airs, eaux et campagnes on avait pressenti l’une des plus acharnée en proclamations. Làs, il fallait aussi défendre les manufactures et surtout les riches propriétaires ruraux, amateurs de grandes chasses et d’abondantes récoltes. Couleuvre après couleuvre, elle dut se résoudre à abandonner abeilles et grives, se contentant de tirer quelques lions ou éléphants des mains de leurs soigneurs.

 

Pour compléter le tableau, on avait nommé, pour garder le sceau royal et diriger nos bons juges, un homme de loi, certes, mais homme de parquet, souvent face à eux, redoutable adversaire et parfois même en délicatesse avec leurs édits. Franchissant la barre pour passer au-dessus d’eux, nos chats fourrés n’avaient qu’à bien se tenir : il le leur fit sentir. Voyant sur leur tête cet homme gros, à la tête ronde et poilue, l’œil sévère, ils songeaient à la fable, pensaient à Raminagrobis et craignaient de se trouver, eux, dans la triste situation de la belette et du petit lapin.

 

La photo du Roi entouré de son conseil paraissait, avec le recul, une réclame pour la comédia del arte ..

 

Outre Atlantique, le Roi-président paradait et recommençait à batailler. Parti pour affermir sa position vis-à-vis des états généraux à venir, il se déchaina, fustigeant ses adversaires. Il se faisait gloire de s’être tiré des griffes du Malin : il avait vaincu le Grand Mal, le méprisait en des termes que l’on dût cacher … Il n’empêche, avec son attitude de matamore, méprisant tout précaution, semant des miasmes, il avait réussi à infecter une bonne partie de sa suite et des siens … Peu charitablement, on se prit à sourire …