Octobre triste  : Dimanche 4


Automne triste

 

Avec les soubresauts du Covid et les débats qui vont avec, entres aberrations et incertitudes, comme beaucoup je suis un peu paumé…. J’ai besoin de voir les choses d’un peu plus loin … et je reprends mes « chroniques de la cour » … Par l’écrit, changer de siècle, changer l’angle de vue … en plus, c’est plus plaisant et ça permet de sortir de tout ce fatras, de ce maelström malodorant …

 

Nb : j’ai du mal à retrouver la facilité de mes publications/story Facebook... d’où la phase d’essai - Désolé

 

Dimanche 4 Octobre : le retour du malin.

 

En ce début d’automne tous étaient en grande incertitude et crainte …

 

Le grand argentier voyait et craignait l’or qu’il devait aux lombards, les exigences des maîtres et bourgeois de la Hanse et surtout les manufactures désertes, l’ouvrage manquant aux nôtres et la perspective d’un pays de manants privés de subsides et chargés de dettes. On peinait à cacher d’aussi sinistres perspectives et l’on avait vendu ou donné à ferme l’essentiel des ouvrages édifiés par les rois de naguère. Il ne restait plus guère de valeurs que les œuvres d’arts conquises lors d’expéditions anciennes : victoire de Samothrace ou obélisque, en plus  des bijoux de la couronne :  on était loin du compte.

 

Quand au Médecin du Roi, tournicotant entre menteries, approximations et aveu d’impuissance, il restait attaché à agiter les craintes et à montrer, par des images au trait forcé, le retour implacable du Malin. Il suivait en cela nombre d’autres pays, mais à sa détestable manière : menace d’enfermement, édits de police, fermeture des lieux de plaisirs et boissons. Il en avait d’ailleurs fait un usage par trop différentié à l’égard des Marseillais, dans l’espoir assez vain de ne plus entendre ces contestataires à l’accent trop marqué.

 

 Côté médecines, rien encore sauf l’espoir d’une potion protectrice dont on discutait l’obligation, avant même de savoir si ou quand elle serait disponible ou même si elle serait parfaitement efficace. Les Carabins, échaudés, étaient de nouveau dans l’angoisse : ils étaient toujours en trop petit nombre, les hôpitaux s’étaient fort rétrécis ces dernières années et étaient toujours à la merci du moindre orage. Ce que l’on avait fait d’exceptionnel au printemps ne pouvait perdurer.

 

Abreuvé jusqu’à la nausée de ces proclamations, le bon peuple balançait entre son bon sens critique qui lui disait de ne rien croire du Médecin royal ou de son savant Conseil, eux qui avaient étalés en majesté leur sinistre incompétence, et la crainte raisonnable de la maladie. Ils se précipitèrent en nombre pour offrir leur nez à l’examen des carabins de laboratoires. Vinrent toute une cohorte de petits malades, de craintifs, dans laquelle on trouva bon nombre d’infectés. Il est vrai que l’examen était si poussé que la moindre particule, passée ou présente, faisant penser à l’œuvre du malin, donnait le redouté verdict. A tout ces potentiels malades on prescrivait isolement et peu s’en fallut pour que l’on ne les obligeât à confesser en quels lieux et en quelles circonstances ils avaient reçu ou porté l’infection. Cette pesante atmosphère faisait le jeu du Médecin royal et finissait par semer le doute même aux plus solides raisonneurs.

 

En ce triste début d’Octobre, le Roi, pour se tenir à l’abri, ne disait rien du Royaume mais pérorait beaucoup. Il voyageait aussi. On le vit courir le monde, on l’entendit fustiger le Turc, menacer le grand Mamamouchi et intimer aux Sarazins. Hélas, pour tous, les craintes étaient ailleurs : le Roi n’était plus l’âme et le soutien du royaume, il devenait simple colifichet … Pour le pays, nul espoir, nul avenir.