Mercredi 04 Novembre : reconfi(né) - déconfi(ture)

Le peuple était de nouveau tenu enfermé, du moins hors travail et école. On avait remis au goût du jour les édits du printemps et l’on exigeait que chacun ne s’éloigne pas de plus d’un quart de lieu de son domicile.

 

Commerces fermés rendaient leurs tenanciers furieux et prêts, par désespoir, à braver les décrets et édits. Ils étaient soutenus par quelques échevins. En retour, Intendants et médecins de cour vitupéraient, agitant les chiffres et nombres de la contagion, chaque jour choisissant celui pouvant faire terreur.

 

Le grand Mal, fléau, châtiment divin, ou œuvre du Malin était décrit désormais comme destiné à sans cesse revenir nous tarabuster et mener nombre de pauvres gens et vieillards à trépas. Le salut ne pourrait venir que de la potion protectrice que l’on cherchait désespérément. Les pharmaciens, seuls désormais à financer et diriger études de médecines, en espérait bonne, durable et très profitable issue mais seulement dans plusieurs mois.

 

Avant que la chose ne fût produite et diffusée partout, on ne voyait guère de retour à bonne et libre vie avant longtemps. L’enfermement s’annonçait sans fin : pour tenir, il fallait attiser les peurs, même par déclarations ou gesticulations déraisonnables. Le Médecin du Roi donnait fort à ce propos, vitupérant contre échevins ou fustigeant la Chambre des Pairs. Soucieux de s’attribuer tout pouvoir et liberté de contraindre, il se montra vindicatif envers les représentants du Tiers qu’il appela même à se retirer du débat. On avait trop forcé le trait, trop fait taire toute voix dissonante, trop crié au loup, trop écarté sa propre responsabilité, trop nié son ignorance : la maison, comme la raison étaient à terre, et, au Grand Conseil on avait, comme subalternes et petits caporaux, remplacé savoir et compétence par criailleries et abus d’autorité.

 

Le peuple, désorienté, incertain, était cependant dans la crainte, tout à fait raisonnable, du Mal. Lors du premier enferment, on avait abordé la chose avec l’espoir de combattre, on avait encouragé les carabins, admis ou excusé quelques incohérentes ou excessives mesures qui prêtaient à sourire hors du Royaume.

 

Pour l’heure, craintif, il abordait ce second enfermement, qui en appelait paraît-il d’autres, dans l’abattement général.

 

Outre-océan, l’élection du Roi-président était incertaine, ce qui n’empêchait pas l’actuel de se dire vainqueur et de menacer toute contradiction des foudres de la plus Haute Cour, à lui acquise.

 

En Orient, les excessifs continuaient, parfois en sous-main, à encourager les assassins pour qu’ils courent sus à l’infidèle se moquant de leur religion, eux qui se moquaient fort de nos principes les plus sacrés.

 

 

 

Entre maladie maligne, enfermement et mélancolie, guerres de religion et folies autoritaires, le monde devenait fol et l’on se demandait s’il ne faudrait pas soigner la terre entière avec quatre grains d’ellébore.