5 octobre : comme un lundi ...


Chronique du Royaume et d’ailleurs :

 

On avait passé un morne Dimanche : en plus du Grand Mal dont les soubresauts nourrissaient craintes et actes d’autorité, les étranges lucarnes s’étaient attardées sur les tornades et tempêtes qui, cette année plus que les autres, avaient durement frappé. On avait montré les plus affreuses images, routes et maisons emportées par des eaux en furie, arbres enchevêtrés … Ce tableau si sombre et si appuyé de tous les malheurs du temps faisait entrer les foules en cataplexie… Atone, l’esprit vide et l’âme sombre, le peuple craintif n’avait pour seule jouissance que de se sentir encore en vie. Au demeurant, le Grand Conseil ne l’aidait guère : les ministres étaient soit en quarantaine, soit des plus discrets sur leurs tristes projets pour le royaume. On entama cette semaine dans un bien triste esprit.

 

Un maigre sourire nous vint d’outre-océan, de la puissante Amérique. Là-bas, on s’était doté d’un Roi-président bien curieux, au visage lourd surmonté d’une curieuse houppette jaune. Massif, fort riche, gras de corps et d’esprit, il régnait en s’appuyant sur les plus obtus de ses sujets. Ils étaient en nombre : dans ces contrées, on prisait fort les armes, les pasteurs prêchaient librement, souvent de façon hérétique, et la société n’avait guère évolué depuis un siècle. Quand vint le Mal dans ces états, il fit maintes déclarations, toutes pour promouvoir sérénité, absence de précautions et maintien des travaux et activités économiques. Il est vrai qu’il s’agissait de tenir la richesse et la puissance des Amériques au-dessus de celles du Grand Mongol. On vit alors les états se diviser, les uns, par précaution, circulant masqué et tenant ses distances, les autres, avec lui, ne faisant pas cas du Grand Mal et se promenant le nez au vent. La maladie ne se plie pas aux injonctions des présidents : lui-même tomba malade et fit visite aux hôpitaux, pour une fois, comme patient. On rassura, mais l’affaire avait été chaude, ses partisans entrèrent en prière. Ses médecins, pour faire bonne mesure, lui administrèrent toutes les potions dont ils disposaient, même celles qui n’avaient pas encore été parfaitement testées…. Les tyrans de naguère avaient un goûteur qui écartaient les empoisonneurs : en ces circonstances, c’est lui-même qui fit cet office.

 

On revint en France : Le Médecin du Roi, seul ministre donnant de la voix par ces temps, annonça que, désormais, Paris était plus infecté que la grande cité du Sud. On priverait donc la capitale de ses cabarets et on libérerait ceux de Marseille… Mais on fit avec retenue pour l’une ce que l’on avait fait brutalement pour l’autre, on retarda l’exécution des contraintes de l’une et retarda également la libération de l’autre … Cela fit grincer nos provençaux, surtout que, d’évidence, la mesure n’était pas efficiente : les gens ne pouvant se réunir dans ces lieux de boissons interdits, réussissaient parfaitement à s’infecter mutuellement dans leurs logis ordinaires …

 

Triste époque que celle où seul le ridicule des puissants nous faisait sourire…